Expériences – Déborah, stage à Buenos Aires
Déborah, peux-tu nous dire le contexte de ton départ en Argentine ?
Je suis partie en 2015 à Buenos Aires dans le cadre d’un stage pour ma 4ème année d’études. Le père d’un ami travaillait dans la capitale argentine et nous sommes partis pour travailler en binôme pendant 6 mois dans son entreprise.
C’était une entreprise belge d’agro-alimentaire. Elle sous-traitait la pêche de 3 crustacés principalement : le crabe, la crevette – de la toute petite crevette à la langouste presque – et le merlu. Je travaillais au siège qui se trouvait à Buenos Aires mais j’ai fait plusieurs fois des aller-retours en Patagonie du nord – 34 fois exactement – pour aller dans les usines.

Peux-tu m’en dire plus sur ton stage ?
Dans les bureaux on était une petite dizaine à travailler. Ma mission principale était de faire une étude de marché pour savoir si l’entreprise pouvait commercialiser les produits qu’ils pêchaient dans le pays. Si c’était faisable, quelles seraient les parts de marché qu’ils pourraient potentiellement faire.
L’entreprise ne faisait à l’époque que de l’import-export, principalement pour le marché européen. L’Argentine est un pays qui adore la viande bovine, la culture du BBQ y est très importante, tandis que la consommation des produits de la mer n’est pas du tout répandue.
J’avais une autre mission qui était de faire la refonte de leur site internet. Donc j’ai pas mal travaillé avec une web-designeuse pour créer tout le contenu.
L’appartement qu’on louait été à moins d’un kilomètre de nos bureaux, dans l’hyper centre-ville. Le matin ils commencent un peu plus tard qu’en France, généralement vers 9h-10h. Donc je ne me pressais pas beaucoup pour partir. La journée on était en toute autonomie, on avait nos propres bureaux mais on pouvait aussi faire du télétravail si on voulait. Mais c’était plus rare. La pause de midi se faisait généralement entre midi et 2h, cependant on était souvent invité à manger avec des fournisseurs, pour parler travail. Sinon on mangeait avec les personnes des services juridiques, ou comptables – qui se trouvaient au siège et non dans les usines. Parfois les pauses pouvaient durer jusqu’à 3h. Ils nous arrivaient même de boire de l’alcool, ce n’était pas du tout déplacé.
Et concernant la rémunération ?
Le loyer du logement était compris dans « l’offre de stage » et le loyer était payé par l’entreprise. A côté, j’avais un complément de salaire pour gérer les dépenses quotidiennes. D’origine Uruguayenne, j’ai même pu rendre visite à ma famille plusieurs fois en utilisant les sous du stage.
Comment se passait la relation avec tes collègues ?
La situation était particulière car il savait que j’avais eu ce stage avec mes « relations », via leur (et mon) patron. En plus nous étions les deux seuls jeunes. Ils avaient tous dans la 50-60 aines avec des enfants.
Tu nous parlais de ton logement, comment l’as-tu trouvé ?
J’ai eu de la chance car je n’ai pas eu à chercher. C’est le père de mon ami qui nous a trouvé un logement proche des bureaux. Sa famille et lui habitaient en Patagonie. C’était un appartement en centre-ville donc je pouvais tout faire à pied.
Mais il y a plein de groupes Facebook pour les Français ou étudiants pour trouver une colocation. Ça marche plutôt bien.

Peux-tu me parler de la qualité de vie, comparée à la France ?
Quand j’y étais on était dans une atmosphère très politique, car il y a eu les élections et un nouveau Président a été élu – le Président Macri. L’ancien gouvernement – avec le Président Kirchner – était à la tête du pays depuis environ 40 ans, c’est un gouvernant de gauche qui faisait un peu dictature même s’il ne se revendiquait pas comme telle. Donc pendant 6 mois d’élections il y avait beaucoup de mouvement et de tensions sociales car le gouvernement changeait du tout au tout.
Moi qui habitais en centre-ville je me souviens du jour ou le nouveau Président a été élu, c’était comme si j’habitais sur les Champs Elysée le jour où le Président Macron avait été élu. J’étais au centre des manifestations. Il y avait ceux qui était contents de la nouvelle présidence et ceux qui cassaient et brulaient tout car ils avaient perdu, après plus de 40 ans.
Tout ça pour dire qu’après ce changement historique de gouvernement, le cours du peso argentin, qui était indexé sur le dollar américain a dégringolé et a perdu énormément de sa valeur. Il y a eu une forte inflation, très importante. Le coût de la vie est devenu autant, voire plus cher qu’en France. Au niveau de la nourriture et produits frais comme les fruits et légumes.
Après je sais que j’étais privilégiée d’avoir mon loyer payé à 100% et un complément de salaire qui n’était pas rien. On était étudiants donc on sortait pas mal pour faire la fête ou visiter. Mais on ne pouvait pas faire énormément de déplacement ou voyager tous les week-ends, comme d’autres amis qui faisaient des stages dans d’autres pays. Il fallait quand même faire attention.
Pour les locaux, de mémoire je dirais que le salaire moyen était 3 fois moins que le salaire en France, alors que le coût de la vie était équivalent voire supérieur.
Super intéressant ! Et au niveau de la vie dans Buenos Aires même, comment c’était ?
Je ne me suis jamais sentie en danger, dans la journée ou lorsque je sortais le soir. Après c’est comme de partout, étant une fille je ne sortais jamais seule le soir.
En plus de mon ami avec qui je suis partie en binôme, je connaissais quelqu’un d’autre qui était là pour étudier à l’université. Il nous a fait rencontrer plein d’étudiants et on sortait avec eux souvent. Je le précise car moi j’y étais en mode travail et non étudiant, et c’est plus compliqué de faire des rencontres. Et ce n’est pas le même rythme.
J’ai rencontré pas mal d’européens, mais aussi beaucoup d’argentins. Mais généralement le niveau social était plutôt élevé. Je ne me suis jamais retrouvé dans des quartiers pauvres.
Ça me donne envie d’aller à Buenos Aires ! Ensuite, qu’est-ce qui t’a le plus dérouté en arrivant ?
Je pense que l’Argentine c’est mon voyage – là où j’ai habité à l’étranger – où ça a été le plus dur socialement parlant. Et moralement. C’est la seule expérience à l’étranger où je me suis sentie seule, même si j’étais entourée. Il y a même une fois où je me suis dit stop, je rentre en France ? J’avais fait le Mexique et les Pays-Bas en échange universitaire, mais là c’était la première fois que j’allais dans un pays pour travailler.
J’ai enchainé les expériences sans rentrer en France et ça me manquait, ma famille et mes amis me manquaient. Comme je le disais tout à l’heure, être dans un pays pour travailler ce n’est pas du tout pareil que pour étudier. Dans ce dernier cas tu rencontres des gens du même âge, tu es insouciant et tu fais la fête régulièrement. Ce n’est pas le cas quand tu travailles.
Peux-tu me parler de quelque chose qui t’a étonné ?
La première chose à laquelle je pense, ce sont les théâtres. Je ne sais pas si c’est typique à la capitale et à la grande ville.
A côté de là où j’habitais il y avait un immense boulevard, où il y a plein de théâtres et de salles de spectacle, vraiment beaucoup. Les gens allaient voir des comédies musicales comme nous on peut aller au cinéma ! Alors que pour moi c’est plus une soirée « exceptionnelle », qui marque. Tandis que pour eux c’était la sortie du vendredi ou samedi soir. En France souvent les spectacles sont joués pendant 6 mois au même endroit, alors que là les programmes restaient pendant 2 ans, tu pouvais les voir et les revoir.
Un week-end ma tante et mon oncle d’Uruguay sont venus me rendre visite et on est allés au théâtre. Pour eux c’était normal. Donc je pense que c’est une coutume Sud-Américaine plus qu’argentine.
Et ce sont plus des pièces joyeuses, rigolotes où l’on rit et passe du bon temps. Bien sûr, tout est en espagnol donc il faut réussir à suivre. Puis après le théâtre qui se termine vers 22h, tu vas manger un bout. C’est à l’inverse de la France où d’abord on mange, puis on sort. Les restaurants sont ouverts assez tard là-bas.
La rencontre et l’échange avec les locaux se faisaient facilement ? Ou au contraire ?
Non c’était vraiment top. En plus en étant française, on te pose énormément de questions et on s’intéresse à toi. Ils sont avenants, très ouverts d’esprit. En revanche souvent les personnes que tu rencontres en soirée, tu ne les revois plus. Dans le quotidien ils aiment rester entre eux, car ils savent que tu n’es que de passage donc ils s’intéressent, mais n’investissent pas trop de leur temps à te connaitre vraiment.
A part sur les réseaux sociaux, je n’ai plus aucun contact avec les personnes rencontrées là-bas.

Au niveau voyage, du coup tu m’as dit que tu avais pu aller en Uruguay ? Tu es pu visiter d’autre endroit ?
Oui je suis allée plusieurs fois à Montevideo, la capitale de l’Uruguay. C’est très simple d’accès en partant de Buenos Aires car on a juste à prendre un ferry depuis le port de Buenos Aires pour traverser. La traversée dure 3h donc c’est très rapide. Les distances sont beaucoup plus grandes qu’en France ou Europe, donc pour là-bas 3h de bateau c’est comme si on faisait 30 minutes de voiture en France.
Au niveau douane je n’ai eu aucun souci avec mon passeport français, pas besoin de visa, vu que je ne passais pas par la voie aérienne. Je ne me souviens plus combien de fois, mais j’y suis allée plusieurs fois.
J’ai aussi fait un week-end à Mendoza, une ville pas très loin de la frontière chilienne, où on avait la vue sur la cordillère des Andes. C’est un week-end dégustation de vin, la région est très connue pour ça. On a fait plusieurs vignobles c’était vraiment bien.
Après vu que tout revient vite cher pour se déplacer, je n’ai pas pu vraiment visiter et je regrette un peu. J’aimerais vraiment y revenir pour pouvoir plus visiter le pays, surtout le nord de l’Argentine. Avec plus de budget et plus de temps.
Justement pour les transports, c’était accommodant ?
Oui je suis allée plusieurs fois à Montevideo, la capitale de l’Uruguay. C’est très simple d’accès en partant de Buenos Aires car on a juste à prendre un ferry depuis le port de Buenos Aires pour traverser. La traversée dure 3h donc c’est très rapide. Les distances sont beaucoup plus grandes qu’en France ou Europe, donc pour là-bas 3h de bateau c’est comme si on faisait 30 minutes de voiture en France.
Au niveau douane je n’ai eu aucun souci avec mon passeport français, pas besoin de visa, vu que je ne passais pas par la voie aérienne. Je ne me souviens plus combien de fois, mais j’y suis allée plusieurs fois.
J’ai aussi fait un week-end à Mendoza, une ville pas très loin de la frontière chilienne, où on avait la vue sur la cordillère des Andes. C’est un week-end dégustation de vin, la région est très connue pour ça. On a fait plusieurs vignobles c’était vraiment bien.
Après vu que tout revient vite cher pour se déplacer, je n’ai pas pu vraiment visiter et je regrette un peu. J’aimerais vraiment y revenir pour pouvoir plus visiter le pays, surtout le nord de l’Argentine. Avec plus de budget et plus de temps.

Quelles étaient les procédures administratives à faire pour travailler en stage ?
Je suis restée travailler moins de 6 mois dans le pays, donc je n’ai pas eu à faire de visa. Je ne connais donc pas les procédures. Elles ont d’ailleurs dû changer depuis que j’y suis allée, le mieux c’est d’aller se renseigner sur le site du gouvernement ou de s’adresser à son école ou université si on part en partenariat.
Peux-tu nous raconter un aspect un peu moins drôle de ton séjour ?
La corruption. Très présente dans la vie du quotidien. Surtout avec le changement de gouvernement dont je parlais tout à l’heure.
Je me souviens d’une histoire qui avait fait les gros titres des journaux. Un homme politique de l’ancien gouvernement, tout le temps qu’il était au pouvoir, avait détourné des milliers et des milliers de pesos et avait caché tous les billets dans des sacs poubelles. Il les avait enterrés sous une église.
Puis même moi dans mon travail, on devait payer des gens si on voulait que nos containers continuent leur route pour pouvoir arriver au port et être envoyés. Soit avec de l’argent liquide, soit avec du matériel comme des télés par exemple. On était obligé car on ne pouvait pas voir les marchandises livrées avec deux mois de retard.
Ça m’avait choqué que cette corruption soit aussi visible par tout le monde et normal. Au niveau de la comptabilité, on avait une ligne dédiée dans les tableaux comptables et un budget était réservé à ça.
Ça m’a un peu dégoutée de voir ça. C’est un pays tellement beau avec des belles richesses culturelles, que je trouve que ça entache son image – et mon expérience professionnelle. Mais ce n’est pas propre à l’Argentine, mais à la plupart des pays d’Amérique du Sud.
Le nouveau gouvernement avait commencé à mettre un peu en lumière les mauvaises pratiques de l’ancien gouvernement mais il y a encore du chemin à faire.

Cette fois-ci, peux-tu me raconter une anecdote rigolote ?
Rigolote n’est peut-être pas le mot, mais marquante ça c’est sûr ! On était en Patagonie, on était avec le pick-up de l’entreprise car on allait visiter une usine. C’est moi qui conduisais. On a fait pas mal de route parce qu’on a voulu en profiter et aller voir les pingouins. La route était magnifique, avec plein de chevaux sauvages sur le bord.
J’étais en train de les observer quand j’ai roulé, et pour le coup écrasé, une poule. Ce n’est pas une espèce qu’on a en Europe. Elles sont assez grandes et très hautes sur pattes. Pas aussi grandes que des flamants roses mais pas loin. Et bien touffues avec plein de plumes. Je l’ai vu partir dans les airs comme un ballon.
Ça m’a pas mal traumatisée car je m’en souviens encore. Après j’ai laissé le volant je n’ai plus voulu le reprendre du trajet. Mais bon, ça faisait partie de l’aventure de la Patagonie.
Qu’est-ce que cette expérience t’auras appris ?
Tout ce que j’ai vécu c’était vraiment génial, mais que je suis quand même bien chez moi en France. 6 mois c’est bien pour découvrir le pays, faire son expérience de stage et même pouvoir voyager et découvrir de beaux endroits, mais je ne me voyais pas faire ma vie là-bas.
Lors de mes précédentes expériences, j’étais à l’université et toujours en train de faire des choses avec l’école, les gens que j’y avais rencontré… Etc. Alors que là j’ai eu le temps de me poser, d’avoir des temps calmes. Ça me faisait réaliser que mes amis et surtout ma famille me manquaient.
Je me posais des questions, sur moi, sur plein de sujets. Je me suis même mise à la méditation, pour pouvoir me recentrer sur moi-même. J’arrivais bientôt à la fin de mes études et me demandais ce que serait la suite pour moi, ce que je voulais faire.

Si tu devais changer quelque chose de ton voyage, qu’est-ce que ça serait ?
Je ne pense pas que mon expérience a été vécu à son 100%. J’aurais pu faire plus de week-ends à découvrir le pays, ou rencontrer plus de monde.
Mais je ne voudrais pas la refaire différemment. C’était hyper formateur, même si ça n’a pas été toujours facile. J’étais éblouie par ce que je voyais au quotidien, au final tout était un peu nouveau. Donc non je ne changerais rien.
As-tu des conseils à donner à quelqu’un qui souhaite partir en Argentine ?
Je lui dirais de ne pas être pressé, de prendre son temps. Du moins, sur le rythme des Argentins. En France ou en Europe on a un rythme de vie qui est beaucoup plus soutenu qu’en Amérique du Sud. On est hyper productif dans une journée, on a la sensation de faire plein de choses dans une journée, plus qu’eux. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas productifs, mais seulement qu’ils abordent leur journée différemment, leurs priorités ne sont pas les mêmes que pour nous.
Avec leur rythme plus lent, j’avais quelquefois l’impression de n’avoir rien fait de ma journée alors que rétrospectivement ce n’était pas du tout le cas. Mais sur le moment ça me frustrait.
Mon conseil c’est donc de s’adapter et aller à leur rythme. C’est aussi une manière de mieux s’intégrer.
